30 janvier - 27 février 2021 Brigitte Spinelli
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Que dire d’un travail pictural si l’on résiste à faire un constat des énergies, des traces, ou des aplats qui le compose.
Écrire sur la peinture, c’est tenter d’accéder au sens, d’interroger l’origine de cette apparition surprenante, sinon quel intérêt ? A présent que les esthétiques se côtoient sans confrontations ; n’est-il pas rapide d’en déduire que la liberté est gagnante, ou est-ce plus complexe ? Ne serait-ce pas parce que la peinture, dans l’idée commune, renvoie à une soi-disant expression psychologique qui légitime tout et qui récuse tout dialogue critique ?
Elle n’a dans son histoire quasiment jamais été cela, mais plutôt une subjectivité exploratrice, et qui dans les meilleurs cas se tient là où le mystère abonde ; parmi les zones frontalières du langage, dans la possibilité du vide mental, et non dans les perturbations superficielles du moi.
La peinture de Brigitte Spinelli explore une zone où se mêle l’attention à la matérialité de la peinture, (tâches, traces, coulures) et l’organisation rêveuse qui relie ces traces picturales entre elles. L’énergie, constamment montrée, circule entre des « objets » qui la canalisent, la compriment, où qui la libèrent. Ces objets picturaux sont assez étranges, ils font écho à ces pictogrammes d’avant l’écriture, où la colline, la pluie, le nuage étaient brièvement évoqués, plus symboliquement que par un souci de description. Ce qui semble s’être imposé à elle vient visiblement de l’expressionnisme abstrait, du souffle libérateur qu’il représente avec son audace et cette sorte de mystique brute qui le traverse. Elle a, on le devine, ce même rapport avec la nature indomptée... Quelque chose d’autre qu’une simple délectation face au paysage, un rapport plus « chamanique », un questionnement qui rappelle assez l’atmosphère spirituelle de l’expressionnisme. Cependant, elle ajoute à cette influence, la fraîcheur distante d’un humour caractéristique (avec un zeste de l’univers graphique des mangas). Cette rencontre de deux esthétiques qui pourraient paraître contradictoires participe à la vitalité de sa peinture, et sans doute à sa modernité par la force de confrontation qu’elle dégage.
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Il nous faut, je crois, pour bien comprendre, cesser de céder à cette fiction facile qui nous fait voir l’art comme une expression de soi. Ici en effet, penser en termes psychologiques serait réducteur ; ainsi la palette vive et acide, un peu pop-art, de Brigitte Spinelli renvoie-t-elle forcément à un joyeux carnaval ? N’a-t-elle pas l’éclat et la couleur nostalgique des jouets perdus ? Ainsi la rapidité du geste, sa nerveuse liberté, est-il le bien le contraire d’un calme serein, ou est-ce une vitesse déconnectée de tout choc émotif, tel un arc qui se détend ou la chute d’un flocon ? Un motif revient régulièrement dans ses travaux récents ; celui du tumulus. Il apparaît certes comme un symbole ambivalent de disparition et de renaissance, de protection maternelle et d’anxiété conjurée, mais il évoque également la volonté d’explorer la magie des archétypes… Et ceci, tout en restant fidèle à l’idée que l’art doit restituer aussi notre présent, que l’âme abyssale du monde doit émerger ici et maintenant. La peinture de Brigitte Spinelli mérite une attention particulière, car elle parle très bien de cette recherche libre, désordonnée, et si actuelle du sens dans les impasses oppressantes des nos sociétés.
Jacques Tallote
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